Louis Weck, dit «Weck-Reynold» (1823–1880), conservateur
Louis fait ses études primaires à Morat, sous l’autorité de l’abbé Meinrad Meyer. Il effectue ses études secondaires au Collège Saint-Michel, les deux dernières années au Pensionnat des Jésuites, bastion des légitimistes français. Esprit curieux et autodidacte, Louis dévore des livres et acquiert de vastes connaissances qui, plus tard, étonneront ses collaborateurs. Il gère les vastes domaines de la famille, notamment celui des Bonnesfontaines, aux portes de la capitale. Il ne se mêle pas ou peu de politique. Il occupe des fonctions administratives : il est secrétaire de l’Administration générale et de la Chambre des Pauvres de la ville de Fribourg (1847).
Louis Weck est sous-lieutenant lors de la guerre du Sonderbund. Il parvient ensuite au grade de major, commandant du bataillon 56 de l’élite. De 1848 à 1861, il se consacre à l’agriculture et aux propriétés familiales. Il gagne une réputation justifiée d’agronome et de gestionnaire : il est secrétaire de la Société fribourgeoise d’agriculture et membre actif de celle de la Suisse romande. Il dirige la société « La Gruyérienne », spécialisée dans l’achat et la commercialisation des fromages. Il est membre du Conseil de surveillance de la Caisse hypothécaire (1854–1880), ainsi que président de celui de la Banque cantonale. Au moment où le canton doit assumer la construction du chemin de fer et les dettes du Sonderbund, Louis Weck entre en politique après le décès de son frère Rodolphe (1861). Il est conseiller d’Etat (1861–1880) et député (1861–1880). Il reprend la Direction des Finances. Il doit faire face à une crise financière majeure : la ligne Lausanne–Fribourg–Berne (ouverte en 1862) coûte beaucoup plus cher que prévu et la compagnie française qui la gère risque d’être mise en faillite. Louis Weck pousse ses collègues à garantir un nouvel emprunt (7,5 millions de francs) en faveur de cette entreprise ferroviaire en 1863, puis à reprendre les actifs et les passifs de celle-ci, soit 44 millions de francs ou 20 fois le budget de l’Etat (1864) !
Louis Weck s’efforce de rentabiliser la ligne de chemin de fer, propriété de l’Etat (1864–1872). Il favorise les embranchements drainant du trafic vers la ligne principale : Bulle–Romont (1868), Fribourg–Payerne–Yverdon (1877) et un premier projet de voie ferrée Morat–Fribourg. Il pratique une politique d’emprunts de conversion (1864, 1872 et 1879), n’hésitant pas à engager sa fortune personnelle pour emporter l’accord des banquiers. Il réussit ainsi à diminuer la dette cantonale et à en alléger la charge (remboursements et intérêts). Il doit créer l’impôt sur l’enregistrement (1862) et la Caisse d’amortissement de la dette publique (1867). Il couronne son oeuvre en déchargeant l’Etat de son fardeau ferroviaire : il fait fusionner le Lausanne–Fribourg–Berne avec deux autres entreprises au sein de la « Suisse Occidentale » (1872), dont l’Etat est actionnaire.
Après le retrait d’Hubert Charles (1871), il devient, avec Vaillant, puis avec Menoud, l’homme fort du Gouvernement qu’il préside en 1872, 1874, 1876, 1877 et 1879. Il est conseiller aux Etats (1863–1866), puis conseiller national (1866–1880). Il est membre de plusieurs commissions importantes où ses compétences sont reconnues. Il gagne en influence et devient chef du groupe conservateur catholique à Berne. Il s’illustre en trouvant « le compromis du Gothard » (1878), qui permet de terminer cette ligne tout en y ralliant les partisans du Simplon qui bénéficieront d’une aide analogue de la Confédération. Il obtient 52 voix lors d’une élection au Conseil fédéral en 1878. Weck-Reynold est acquis à un conservatisme prononcé, ayant même participé à un complot pour renverser le régime radical établi en 1847 à Fribourg. Il est assez réaliste pour voir l’intérêt de maintenir la coalition libérale-conservatrice à Fribourg. Il s’y emploie, n’hésitant pas à prendre le contrôle du journal Le Chroniqueur. Cette politique de conciliation étonne plus d’un membre des milieux ultraconservateurs : le conseiller national Chaney voit en Louis Weck un obstacle à leur desseins. Le prestige et l’autorité de celui que les radicaux nomment « Weck-Pacha » sont tels que personne n’ose s’opposer ouvertement à lui.
Weck-Reynold est nommé président du Conseil d’Etat pour 1881 par le Grand Conseil. Il contracte une pneumonie qui l’emporte, le 28 novembre 1880, à l’âge de 58 ans. Avec lui disparaît l’une des grandes figures de la politique fribourgeoise des années 1860–1880. La coalition libéraleconservatrice, déjà affaiblie, est mûre pour l’éclatement.
Extrait de : "Le Conseil d’Etat fribourgeois : 1848-2011"