La mise sous protection, de quel droit?
Loi du 7 novembre 1991 sur la protection des biens culturels
Art. 19
Peuvent être mis sous protection :
a) les biens culturels immeubles ainsi que les parties intégrantes et les accessoires qui présentent un intérêt propre.
Art. 20
Les biens culturels immeubles sont mis sous protection par les instruments et selon les procédures de la législation sur l'aménagement du territoire et les constructions.
Art. 22
- Sauf disposition contraire, la protection d'un bien culturel s'étend à l'objet dans son ensemble, soit, pour les immeubles, aux structures et éléments extérieurs et intérieurs et, le cas échéant, aux abords, au site et aux objets archéologiques enfouis.
- Lorsque des circonstances particulières le justifient, la protection peut être étendue à l'agencement intérieur.
Historique
La mise en application de la loi du 7 novembre 1991 sur la protection des biens culturels a obligé le Service des biens culturels à collecter des données éparses pour dresser en 1994 un inventaire des biens culturels immeubles protégés, point de départ de l’actuelle base de données.
Les premières dispositions permettant la mise sous protection d’immeubles avaient été prises en 1900, appliquées d’abord aux monuments et sites médiévaux. Il fallut attendre 1973 pour qu’un arrêté mette sous protection un ensemble de 197 châteaux et maisons de campagne. La mise sur pied de recensements exhaustifs a favorisé depuis une véritable politique de mise sous protection concertée avec l’aménagement du territoire.
La mise sous protection, une idée récente?
Non, mais les bonnes intentions ont mis du temps à se concrétiser, la mise sous protection limitant forcément le droit des propriétaires et ayant souvent été perçue négativement. L’arrêté du 14 février 1900 pour la « conservation des monuments et objets ayant un intérêt artistique, archéologique ou historique » permit de prendre les premières mesures de protection du patrimoine alors que se constituait le Heimatschutz et que l’architecture suisse puisait dans le répertoire local pour définir un style régional, le Heimatstil. La construction de la Route des Alpes à Fribourg, entraînant la démolition d’un pâté de maisons anciennes tout en isolant le fameux tilleul de Morat, fut l’occasion d’un premier débat nourri sur la nécessité d’agir pour assurer la sauvegarde des tissus anciens. Parallèlement, l’arrêté instituait une Commission des monuments historiques au sein de laquelle fut constituée la Sous-commission des monuments et édifices sous la présidence du professeur Zemp puis de Max de Diesbach dès 1905.
Dès 1911, les conseils paroissiaux de Romont (16 juillet 1911), de Meyriez (31 juillet 1912 / 27 avril 1914) et d’Estavayer-le-Lac (10 février 1914) ainsi que les conseils communaux d’Estavayer-le-Lac (3 août 1911), de Romont (4 août 1911), de Vaulruz (12 mars 1912) et de Morat (31 décembre 1913) s’engagèrent à assurer la conservation et l’entretien « au point de vue archéologique et historique » de leurs églises paroissiales, de leur tours, remparts et châteaux, s’assurant ainsi l’aide financière de la Confédération pour les travaux de restauration, entrepris par le bureau Broillet & Wulffleff, de Fribourg. Le Conseil d’Etat ratifia ces décisions par arrêté du 30 septembre 1916, ajoutant à cette liste les châteaux de préfecture de Morat, Romont et Estavayer-le-Lac. Ces ensembles médiévaux furent ainsi les premiers « monuments historiques » protégés dans le canton à la fois par l’Etat et la Confédération. Parallèlement, la loi du 22 novembre 1911 concernant l’application du Code civil suisse pour le canton de Fribourg avait pris une série de mesures en faveur de la conservation des monuments historiques et artistiques (art. 277, 278, 282 et 314).
Le 3 octobre 1936, un nouvel arrêté concernant la conservation des monuments artistiques et historiques fut promulgué. Dans sa séance du 5 février 1937, la Sous-commission des monuments et édifices publics décida le classement de « toutes les églises, chapelles et châteaux sis dans le canton » en précisant qu’on ne pourrait désormais y apporter aucune modification sans autorisation du Conseil d’Etat. Dans les décennies qui suivirent, la mise sous protection se régla ainsi par arrêté complétée par divers articles de la loi du 15 mai 1962 sur les constructions et son règlement d’exécution du 15 février 1965.
Le classement du Mont Vully comme site à protéger pour sa valeur archéologique, historique et esthétique, par arrêté du 3 juillet 1962, fut l’un des premiers à proposer une mesure de protection visant à éviter la destruction d’un site en y interdisant toute construction.
Le règlement du 26 novembre 1971 concernant la conservation des monuments historiques et des édifices publics, la protection des sites archéologiques et le subventionnement des restaurations d’immeubles anciens harmonisa tardivement les diverses dispositions du droit cantonal relatives à la conservation du patrimoine et au subventionnement des restaurations. La nouvelle Commission des monuments et édifices publics avait notamment pour tâche de proposer au Conseil d’Etat le classement des bâtiments qui présentaient, dans leur ensemble ou dans une de leurs parties, un intérêt historique, esthétique ou archéologique. C’est dans la foulée de ce règlement qu’on entreprit les premiers recensements systématiques communes par communes. Mené par le Conservateur des monuments historiques, Etienne Chatton, ce travail ne disposait pas des moyens nécessaires pour fournir rapidement une liste exhaustive d’immeubles à protéger. Se basant notamment sur les données collectées par Pierre de Zurich pour la rédaction du 20e volume de la série « La maison bourgeoise en Suisse », consacré au canton de Fribourg sous l’Ancien Régime, publié à Zurich en 1928 déjà, le Conservateur des monuments historiques proposa une liste de 197 maisons de campagne et châteaux baillivaux d’importance nationale et régionale qui furent mis sous protection par arrêté du Conseil d’Etat du 27 mars 1973.
C’est le travail exhaustif mené par Jean-Pierre Anderegg dans le cadre de ses recherches sur la maison paysanne qui permit d’établir systématiquement, dès 1981, une liste d’immeubles dignes de protection pour chaque commune dans le cadre de l’élaboration des plans d’aménagement locaux. Un nouvel arrêté du 10 avril 1990 relatif à la conservation du patrimoine architectural alpestre attribuait au chalet d’alpage le statut d’ « élément caractéristique du patrimoine fribourgeois » le désignant comme « l’expression architecturale d’une économie qui a profondément marqué le mode de vie, la mentalité, les traditions et l’art populaire » et reconnaissant que « leur conservation s’inscrit dans les objectifs d’aménagement du territoire ».
La première loi fribourgeoise sur la protection des biens culturels fut promulguée le 7 novembre 1991 alors que la première loi cantonale adoptée en Suisse, celle du canton de Vaud, datait de 1898. Cette loi et le règlement du 17 août 1993 ont enfin permis une mise sous protection homogène et cohérente des biens culturels du canton.
Procédures
Lors d’une révision générale du plan d’aménagement local (PAL) d’une commune, le Service des biens culturels
- révise le recensement des biens culturels
- définit des périmètres du site construit à protéger en se basant sur les données de l’ISOS
- propose pour chaque immeuble recensé l’étendue des mesures de protection
Lors de la mise à l’enquête publique du PAL, les propriétaires peuvent faire valoir leur droit. La procédure de mise sous protection est donc la même que celle prévue pour toute mesure du PAL, avec droit d’opposition et de recours.
Subsidiairement et à titre exceptionnel, la mise sous protection peut se faire par le biais d’une mesure indépendante au plan d’aménagement, prise par la Direction de l’instruction publique, de la culture et du sport.
Immeuble recensé, immeuble protégé?
Non. La valeur au recensement indique l’intérêt que présente un immeuble à être protégé et non la catégorie de protection. L’étendue de la mesure de protection sera fixée dans le plan d’aménagement local en fonction des éléments à conserver.
Selon l’article 22 de la Loi sur la protection des biens culturels, la protection d’un immeuble s’étend aux structures et éléments extérieurs et intérieurs et le cas échéant, aux abords et au site. Le règlement communal doit définir l’étendue des mesures de protection pour chaque immeuble, selon trois degrés, en fonction des éléments à conserver. Il y a généralement correspondance entre les valeurs attribuées au recensement (A, B, C) et les catégories de protection (1, 2, 3).
Le plan d’aménagement local est mis à l’enquête publique pendant 30 jours par dépôt au secrétariat communal et à la Préfecture. L’avis d’enquête est publié par double insertion dans la Feuille Officielle, au pilier public, au besoin dans les journaux locaux. La mise à l’enquête publique du plan d’aménagement tient lieu d’information. Les propriétaires intéressés ont dans ce cadre, la possibilité de faire opposition à une mesure de protection, par dépôt d’un mémoire motivé, auprès du secrétariat communal pendant la durée de l’enquête.
1, 2, 3: Les catégories de protection
Les mesures de protection sont prises au plan d’aménagement local. Le plan d’affectation des zones indique les bâtiments protégés et le règlement communal définit l’étendue de la mesure de protection en fonction de la valeur du bâtiment au recensement.
Selon le plan directeur cantonal, l’étendue de la mesure de protection est définie selon trois catégories en fonction de la valeur de l’immeuble au recensement :
Catégorie 1 en principe pour les bâtiments de valeur A
Catégorie 2 en principe pour les bâtiments de valeur B
Catégorie 3 en principe pour les bâtiments de valeur C
Cat.1 | Cat.2 | Cat.3 | |
---|---|---|---|
x | x | x | L’enveloppe (façade et toiture) et les éléments caractéristiques qui en font partie. |
x | x | x | La structure porteuse primaire et le gros œuvre. |
x | x | x | L’environnement ou cadre immédiat et la caractéristique de l’immeuble (jardins, cours, place etc.). |
x | x | La structure porteuse secondaire et le second œuvre | |
x | x | L’organisation générale des espaces intérieurs et les éléments essentiels des aménagements intérieurs qui matérialisent cette organisation. | |
x | x | Les éléments décoratifs des façades. | |
x | x | L’environnement ou cadre étendu et la caractéristique de l’immeuble (jardins, parcs, allés etc.). | |
x | Les aménagements intérieurs et les éléments de décor représentatifs en raison de la qualité artisanale ou artistique qu’ils présentent. | ||
x | Les biens culturels meubles attachés à l’immeuble. |
Immeubles placés sous la protection de la Confédération
Tous les immeubles qui ont bénéficié d’un octroi de subventions fédérales lors d’une restauration sont mis sous protection de la Confédération. En acceptant cette aide, le propriétaire et le canton reconnaissent que la Confédération exerce désormais un droit de regard sur l’entretien et la conservation de ce bien culturel.
L’Office fédéral de la Culture, via sa section des monuments historiques, tient une liste de biens culturels protégés par la Confédération. La liste publiée en 1993 comprenait 148 édifices pour le canton de Fribourg.
En outre, la Confédération, en collaboration avec les cantons, a établi un inventaire des biens culturels d'importance nationale (objets A) et régionale (objets B) qui doivent faire l'objet de mesure de protection en cas de catastrophe ou de conflit armé. Tous les objets, sites ou collections figurant dans cette liste doivent être mis sous protection au niveau cantonal.
Inventaire
Par inventaire, on entend la liste des biens culturels immeubles protégés. Cet inventaire est tenu et mis à jour par le Service des biens culturels au gré des approbations de plans d’aménagement. La durée de la procédure entre le début d’une révision de plan et son approbation explique les différences parfois notables entre recensement et inventaire, la mise à jour du recensement n’étant suivie d’effets que plusieurs mois après son établissement.
La liste des immeubles protégés d’une commune figure dans son plan d’aménagement local. Actuellement toutes les communes du canton possèdent des immeubles protégés sur leur territoire. Les deux-tiers des immeubles recensés sont aujourd’hui protégés ce qui représente un peu plus de 7% des bâtiments assurés du canton.