Imposés de gré ou de force, les bonnes moeurs, la morale, la santé, l'ordre et la sécurité publics constituaient des objectifs politiques, religieux et sociétaux prioritaires jusqu'au début de la dernière partie du 20e siècle.
Dans le canton de Fribourg comme ailleurs en Suisse, ces objectifs ont été concrétisés par l'adoption et la mise en oeuvre de différents actes législatifs qui permettaient à des autorités administratives de donner à l'adoption des enfants sans l'accord de leurs parents biologiques, de prononcer l'internement et le placement d'individus à des fins d'assistance ou d'ordonner d'autres mesures jugées nécessaires à la sauvegarde de la santé, de l'ordre et/ou de la sécurité publics. Ces mesures étaient ordonnées sans aucun contrôle d'une autorité judiciaire. On citera en particulier :
- La loi sur l'assistance et la bienfaisance de 1928 (BL 1928 p. 77, en vigueur jusqu'à son remplacement par la loi sur l'assistance de 1951). Elle permettait au conseil communal d'ordonner le placement dans des maisons d'éducation ou des orphelinats ou la mise en apprentissage chez des particuliers des enfants de parents jugés indignes et/ou incapables de les élever, ainsi que le placement des malades, des infirmes, des incurables et des aliénés dans des établissements appropriés. En vertu de cette même loi, le préfet était habilité à ordonner l'internement en maison de travail de celles et ceux dont on estimait qu'ils abusaient des secours qui leur étaient octroyés par la collectivité publique.
- La loi sur l'internement administratif d'individus compromettant la santé ou la sécurité publique de 1942 (BL 1942 p. 45). D'office ou sur simple dénonciation de tiers, elle autorisait le préfet à ordonner l'internement en maison de travail de toute personne âgée de plus de 18 ans, dont l'inconduite ou la fainéantise habituelle compromettait la santé et la sécurité publique.
- Plusieurs dispositions de la loi sur l'assistance de 1951 (BL 1951 p. 68). Celles-ci permettaient au conseil communal d'ordonner le placement des personnes partiellement ou totalement incapables de travailler et des enfants indigents. Elles chargeaient les organes d'assistance communaux de signaler à l'autorité tutélaire les cas d'enfants moralement et matériellement abandonnés ou que la mauvaise conduite, l'insoumission, ou la prodigalité risquait de conduire à l'indigence en vue de leur placement ou de leur adoption. Sur demande de l'autorité communale, elles habilitaient le préfet à décider de l'internement en maison de travail des personnes tombées dans l'indigence par suite d'inconduite ou de fainéantise.
- Plusieurs dispositions de la loi sur l'alcoolisme de 1965 (BL 1965 p. 146). Sur la base de cette loi, les autorités administratives communales, ainsi que les autorités judiciaires de districts, pouvaient dénoncer au préfet le cas des personnes que l'abus de boissons alcoolique exposait à tomber dans le besoin, compromettait la situation morale et matérielle de sa famille, menaçait la sécurité d'autrui ou causait du scandale en public en vue de leur placement en maison de cure ou de leur internement dans une maison de travail.
- Les articles 21 à 25 de la loi organique des Etablissements hospitaliers de Marsens et d'Humilimont de 1965 (BL 1965 p. 110). Cette loi prévoyait le placement d'office en établissement psychiatrique des personnes atteintes de maladies mentales, de troubles nerveux, de toxicomanie ou d'alcoolisme, lorsqu'elles constituaient un danger sérieux pour elles-mêmes ou leur entourage ou causaient du scandale. L'admission des personnes concernées était prononcée par le Conseil d'Etat, les préfectures ou les autorités judiciaires. Elle pouvait notamment être demandée par le représentant légal du malade ou l'autorité communale.
A l'exception de la loi sur l'assistance et la bienfaisance de 1928 et de quelques dispositions de la loi sur l'assistance de 1951 qui sont restées en vigueur jusqu'à l'abrogation complète de la loi en 1991, ces différents textes étaient applicables jusqu'à l'entrée en vigueur, le 1er janvier 1981, de la législation fédérale sur la privation de liberté à des fins d'assistance, qui a permis d'avoir un droit uniformisé dans ce domaine pour l'ensemble du territoire suisse (loi fédérale du 6 octobre 1978 modifiant le code civil suisse - Privation de liberté à des fins d'assistance, FF 1978 II 877).
L'intervention du législateur fédéral poursuivait l'objectif double d'une réglementation respectueuse de la liberté personnelle et qui soit conforme avec les garanties de la Convention européenne des droits de l'homme en vertu de laquelle nulle ne peut être privé de sa liberté en dehors de tout contrôle judiciaire. Elle a contraint les autorités cantonales de formellement modifier ou abroger les textes visés par une loi d'adaptation à la législation fédérale (loi du 24 septembre 1980, BL 1980 p. 150 ; cf. le Message du Conseil d'Etat in BGC 1980 p. 1126 ss).