Aloïs Bossy (1844–1913), libéral-conservateur
Aloïs Bossy fait son école primaire à Givisiez. Il passe son baccalauréat à Saint-Michel, puis il perfectionne son allemand à Stuttgart. Il est ensuite surveillant au Collège Saint-Michel (1867–1868), puis professeur dans cet établissement (1868–1878).
Actif chez les conservateurs et poussé par Théraulaz qui veut donner des gages à la droite prononcée, il est nommé préfet de la Veveyse et dirige ce district de 1878 à 1880. Il succède à Théraulaz au Conseil d’Etat : le Grand Conseil l’élit, le 14 mai 1880, avec 46 suffrages sur 86. Bossy est également député au Grand Conseil (1881–1906), conseiller aux Etats (1884–1898) puis, conseiller national (1898–1908). Bossy siège au Gouvernement de 1880 à 1906, période durant laquelle il est directeur de l’Intérieur (1880–1902), puis de l’Intérieur, de l’Agriculture et de la Statistique (1902–1906). Ministre de l’économie du régime de Python, il veille à développer les deux priorités gouvernementales : l’agriculture et l’industrie basée sur les matières premières cantonales, soit le bois, le lait, l’hydroélectricité. Pour ce qui est du secteur agricole, il s’appuie sur les conseils de l’ingénieur agronome Antonin Berset et il conçoit un plan basé sur une meilleure formation des paysans et sur la qualité du bétail et des produits laitiers. Les réalisations se suivent : création de la Station laitière (1887), Fromagerie modèle à Hauterive (1888), Laboratoire de chimie agricole (1888), lois sur l’amélioration de l’élevage (1884, 1888, 1891, 1892 et 1897) et assurances contre la mortalité du cheptel (1888 et 1899). Bossy lance avec succès la fabrique de cartonnage et l’école de vannerie L’Industrielle. Il promeut le Musée industriel pour l’enseignement professionnel (1888), les cours professionnels (1900), les apprentissages (1900) et le Technicum ou Ecole des Arts et Métiers (1903).
Bossy préside les conseils de l’Ecole d’agriculture et de l’Ecole des Arts et Métiers. Il est membre du Conseil d’administration des Arts et Métiers. Il est l’initiateur de nombreuses sociétés d’agriculture et de syndicats agricoles.
Ce bilan somme toute excellent est terni par l’affairisme personnel dont fait preuve Bossy avec le faux baron russe Gérard (de) Smirnoff. Bossy est d’abord mêlé à une escroquerie de 50 000 francs envers le Pensionnat de La Chassotte, somme qu’il rembourse après une intervention de Python qui pousse les soeurs de cet établissement à retirer leur plainte. Bossy est déjà fort mal élu à la présidence du Conseil d’Etat, l’avocat des soeurs étant le syndic de Fribourg Ernest de Weck qui n’a pas de peine à monter contre Bossy une partie des députés conservateurs. Bossy est ensuite impliqué dans une sordide affaire de transfert de fonds entre Berne et Fribourg : 137 000 francs sont détournés au détriment des enfants du premier lit de Smirnoff, Bossy jouant le rôle de tuteur provisoire de ceux-ci à Fribourg et permettant ce crime ! Il essaie ensuite en vain d’exfiltrer Smirnoff de Suisse. L’Etat de Berne demande à deux reprises l’extradition de Bossy qui prend un congé maladie de trois mois en février 1906.
Il est poussé à la démission par ses collègues (1er et 2 mai 1906). Le Conseil d’Etat refuse l’extradition de Bossy en soulignant qu’il sera jugé avec Smirnoff à Fribourg. La chute de Bossy déclenche presque une crise du régime : Python est assez habile pour ouvrir le jeu politique en offrant à la minorité radicale un siège au Conseil d’Etat (Weissenbach), au Tribunal cantonal (Uldry) et au Conseil d’administration de la Banque de l’Etat (Liechti).
Bossy se retire dans sa propriété de La Chassotte qu’il détient en indivision avec sa soeur Antoinette. Pour se faire oublier, il séjourne fréquemment à Lucerne et à Vevey. C’est sur la riviera lémanique qu’une crise cardiaque le terrasse, à 69 ans, le 12 mars 1913.
Extrait de : "Le Conseil d’Etat fribourgeois : 1848-2011"