Ruth Lüthi, (1947), socialiste
Institutrice de 1967 à 1978, puis psychologue (doctorat en 1990) et musicologue. Elle effectue des stages aux USA et en Angleterre. Elle est assistante à l’Institut de psychologie de l’Université de Fribourg de 1979 à 1982, puis collaboratrice scientifique au Fonds national. En 1990–91, elle est chargée de cours à l’Université de Berne. Ruth Lüthi siège au Conseil général de Fribourg dès 1982, puis au Grand Conseil comme députée de la ville de Fribourg dès 1988, mandats qu’elle conserve jusqu’à son élection au Gouvernement. Elle préside le parti socialiste fribourgeois de 1988 à 1992, dans des circonstances difficiles (dissidence du parti social-démocrate, départ des conseillers d’Etat Félicien Morel et Denis Clerc). Dans ces conditions, le PS parviendrait-il à maintenir sa double représentation au Gouvernement cantonal ? Nombre d’observateurs en doutaient.
Ruth Lüthi réussit pourtant à se faire élire en 1991 au Conseil d’Etat en compagnie de Pierre Aeby, alors qu’on lui accordait peu de chances au départ. Elle se voit confier la Direction de la Santé publique et des Affaires sociales, qu’elle assume pendant quinze ans, jusqu’en 2006. Sa grande oeuvre aura été la planification hospitalière, oeuvre de trois législatures, marquée par la cantonalisation des hôpitaux. Il lui faut faire face à l’initiative de l’UDC pour le maintien des hôpitaux de district (1992), acceptée par le peuple et qui contrariait les projets gouvernementaux. Son action a permis de modifier la loi sur les hôpitaux (1994), de construire un hôpital à Tavel et de voter un crédit de 57 millions pour l’hôpital de Bertigny II (1996). Ruth Lüthi a défendu avec succès devant le Grand Conseil la loi sur le réseau hospitalier fribourgeois (2006).
Elle s’occupe notamment de la mise en place d’un système de réduction des primes d’assurance-maladie favorable aux familles et défend de nombreuses lois devant le Grand Conseil: Ecole du personnel soignant (1994), structures d’accueil de la petite enfance (1995), santé (1999), établissements médico-sociaux pour personnes âgées (2000), aide et soins à domicile (2005), organisation des soins en santé mentale (2006), ainsi que la refonte de la loi sur l’aide sociale (1998). Dans les années 90, les problèmes liés à la drogue font leur apparition et elle est amenée à lutter contre ce fléau.
Ruth Lüthi est la première femme à présider un Gouvernement cantonal en Suisse romande, charge qu’elle assume à trois reprises (1996, 2000 et 2005). Pendant sa première présidence, elle est la dernière interlocutrice avec laquelle le groupe Feldschlösschen-Hürlimann-Holding, propriétaire de la brasserie Cardinal qu’il entend fermer, accepte de traiter. Elle prend la tête d’une manifestation de grande ampleur réunissant 10 000 personnes pour le maintien de Cardinal à Fribourg le 6 novembre 1996.
Candidate malheureuse au Conseil fédéral en 2002 contre Micheline Calmy-Rey lors de la succession de Ruth Dreifuss, elle obtient 71 voix au cinquième tour, après avoir atteint un maximum de 78 voix au troisième tour. Mme Lüthi conduisit plusieurs délégations suisses à des conférences internationales sur mandat du Conseil fédéral. Elle a fait partie de diverses institutions : Conseil de la Banque nationale suisse, présidente de la Conférence des directeurs et directrices cantonaux des Affaires sociales. Elle préside depuis avril 2007 la Commission fédérale AVS-AI, au service de laquelle son « expérience professionnelle et ses qualités personnelles constituent un atout », relève le Conseil fédéral. Elle fait également partie du Conseil d’administration de la Loterie Romande et du comité de Pro Infirmis suisse. Elle a accepté de présider le Festival International de Film de Fribourg de 2007 à 2012. Elle est membre du Sénat de l’Université et préside un groupe de travail chargé de préparer un avant-projet de nouvelle loi sur l’Université.
On reconnaît à Ruth Lüthi son habileté politique, son sens de la stratégie et sa force de conviction pour s’imposer.
Son mari Ambros Lüthi, professeur à l’Université de Fribourg, qui a été membre de la Constituante (2000–2004), est décédé en 2008.
Extrait de : "Le Conseil d'Etat fribourgeois : 1848-2011"