En raison ou en dépit de ses défaites militaires (deux invasions en cinquante ans) et de ses perturbations politiques (révolution, émeutes, coups d’Etat…), le canton de Fribourg a été marqué par le progressisme du XIXe siècle.
Le système éducatif et l’activité scientifique s’améliorent grâce à deux hommes éclairés, le chanoine Aloyse Fontaine (†1834) et le Père Grégoire Girard (†1850), puis au volontarisme pédagogique des radicaux (Alexandre Daguet, †1894). La construction des grands ponts suspendus (années 1830), puis l’arrivée du chemin de fer (années 1860) sous l’impulsion de Julien Schaller et Louis de Weck-Reynold relancent le commerce. La ville de Fribourg sera la deuxième de Suisse à recevoir un réseau électrique, cependant qu’une première industrialisation, à la fin du siècle, colonisera le plateau de Pérolles.
Mais la modernisation, qui touche aussi l’agriculture, s’opère plus facilement dans l’économie que dans les mœurs et la culture. Les hésitations et résistances qui se manifestent sur cette voie sont à mettre au compte du conservatisme invétéré d’une population rurale que le clergé encadre strictement.
La République chrétienne
Face à la Suisse des radicaux, un régime politique original prend forme et s’enracine à Fribourg dans les dernières décennies du XIXe siècle, la République chrétienne.
Ce régime a son idéologue, le chanoine Joseph Schorderet (†1893), homme de presse prophétique au profil tourmenté. Il a son organisateur, le charismatique conseiller d’Etat Georges Python (†1927). Son utopie directrice est le «règne social de Jésus-Christ», et son modèle - assez lointain - la dictature théocratique du général équatorien Garcia Moreno. Car le régime se caractérise d’abord par un catholicisme combatif, dans la ligne ultramontaine fixée depuis longtemps par les évêques Pierre-Tobie Yenni (1815-1845) et Etienne Marilley (1846-1879).
Le canton a été marqué durablement par le système de la République chrétienne: verrouillage politique, paternalisme social et capitalisme d’Etat (banque, électricité, chemins de fer). Il doit surtout au régime pythonien la création de l’Université de Fribourg, dont l’un des plus actifs protagonistes fut le dominicain français Joachim-Joseph Berthier (†1924).