Les débuts de la persécution de prétendus sorciers et sorcières datent du début du 15e siècle et l’Arc alpin constitue le foyer de propagation des procès de sorcellerie en Europe.
Les autorités redoutent l’existence d’une secte, dont les membres auraient conclu un pacte avec le diable et menaceraient la société. Les procès de sorcellerie trahissent en fait un pouvoir mal assuré : les autorités qui en avaient les compétences en ont souvent abusé, car il s’agissait de montrer que, à défaut d’être pleinement souveraines, elles avaient les mains libres pour « rendre justice ». Et les persécutions ne sont pas à mettre au crédit exclusif de l’Eglise. Cette idée fausse naquit au siècle des Lumières, très anticlérical.
Une accusation en sorcellerie combine toujours plusieurs partenaires : des hommes de loi et une population locale en manque de boucs-émissaires pour endosser la responsabilité des malheurs du temps : une tempête de grêle qui détruit les récoltes, le décès d’un nourrisson, une conjoncture économique défavorable, comme la baisse de la productivité des vaches laitières, en particulier à Fribourg, où les sorciers « tireurs-de-lait » foisonnent dans l’imaginaire collectif.
Le phénomène s’essouffle et disparait au 18e siècle. Le dernier procès mené pour sorcellerie à Fribourg date de 1741 (un des plus tardifs d’Europe, avec celui d’Anna Göldi de Glaris). Il est dirigé contre Marguerite Repond, la sœur de la fameuse Catillon. Sous la torture, Marguerite avoue être une sorcière et d’avoir rencontré le diable. La veille de son exécution, elle est retrouvée morte dans sa cellule et un médecin légiste pratique une autopsie. Les anciennes croyances côtoient ainsi les idées plus rationnelles issues des Lumières, dont il résulte une autre façon de concevoir le droit de punir.
Pour en savoir plus :
Le dossier thématique de la revue Passé Simple (http://www.passesimple.ch), du mois de janvier 2022 (no 71), rédigé par Chantal Ammann-Doubliez, Martine Ostorero et Lionel Dorthe, revient sur ce phénomène, explique ses origines et corrige les idées reçues. Il se termine par la présentation de quatre procès, dont celui d’un jeune garçon de 12 ans, vagabond d’origine française, jugé pour sorcellerie à Fribourg en 1651, et exécuté au Belluard, à l’abri des regards.
En ce qui concerne plus particulièrement Fribourg, Rita Binz-Wohlhauser et Lionel Dorthe ont édité, dans le cadre d’un projet des Sources du droit suisse (https://www.ssrq-sds-fds.ch/fr/projets/projets-en-cours/fribourg-fr/proces-de-sorcellerie-fribourgeois-du-xve-au-xviiie-siecles/), la totalité des procès de sorcellerie conservés, qui ont été instruits par le tribunal de la ville de Fribourg, du 15e au 18e siècle. Ce sont ainsi 360 procès, documentés par 2508 pièces de procédure, qui sont désormais accessibles (https://www.ssrq-sds-fds.ch/exist/apps/ssrq/?kanton=FR&volume=FR_I_2_8).