Ces sanctuaires abritent une statue imposante de la Vierge, souvent accompagnée, un peu en contrebas, d’une statue de Bernadette Soubirous, la jeune fille à qui la Vierge est apparue, agenouillée dans une attitude de prière. Ils sont parfois aménagés dans des grottes ou des cavités naturelles, mais, là où la nature n’en offrait pas, des grottes artificielles ont été construites. Un point d’eau – source, fontaine, ruisseau ou cascade – y est toujours présent, rappelant la source miraculeuse de Lourdes.
La plupart des grottes ne sont pas liées à une paroisse, mais résultent de l’initiative de privés qui ont à cœur d’entretenir le petit sanctuaire. Les grottes invitent surtout au recueillement individuel et à la contemplation silencieuse. Des ex-voto et des bougies votives attestent de cette piété populaire. Le prix de vente des bougies est affecté à l’entretien des lieux ou à des messes. Le public afflue lors de chacune des fêtes mariales, en particulier le jour de l’Assomption, le 15 août. Dans certaines localités (Bellegarde), une procession lumineuse est organisée sur le modèle de celle de Lourdes.
Historique
Au Moyen Âge se développe une tradition de pèlerinages qui amènent de nombreux chrétiens vers des destinations lointaines telles que Rome, Saint-Jacques-de-Compostelle ou Jérusalem. Peu à peu, ces pèlerinages deviennent l’apanage des privilégiés, attirés autant par une quête spirituelle que par le goût de l’aventure.
Pour ceux qui ne peuvent pas partir, des pèlerinages de proximité, dits «de substitution», sont organisés dès le XVIe siècle. Ils permettent aux pèlerins de vivre l’expérience du pèlerinage sans quitter leur région. Pour la rendre plus vivante, certains sites reproduisent un sanctuaire reconnu ou un chemin de Croix qui permet de revivre les épisodes de la Passion du Christ. Ces pratiques, condamnées par les réformateurs protestants, vont être encouragées par la Réforme catholique comme un moyen de renforcer la foi des croyants. Le culte de la Vierge Marie en ressort fortifié et de nombreuses chapelles mariales sont édifiées.
À partir de 1850, la dévotion mariale connaît un renouveau. Le dogme de l’Immaculée Conception est proclamé en 1854, puis des apparitions de la Vierge à La Salette en 1846, à Lourdes en 1858 et à Fatima en 1917 viennent la renforcer. De nombreux pèlerinages sont alors organisés sur ces sites. Cependant, comme au XVIe siècle, pour permettre une pratique de la foi plus proche et plus contrôlée, des lieux de dévotion dédiés à la Vierge sont ouverts dans de nombreuses régions.
C’est la grotte de Lourdes qui rencontre le plus de succès dans la piété populaire. Elle offre une alternative au pèlerinage dans les Pyrénées. Dans le canton de Fribourg, la grotte la plus ancienne est celle de Chevrilles (Giffers), installée en 1902 dans les falaises de la Gérine à l’initiative du curé Jules Pugin. A sa suite, de nombreuses grottes ont été aménagées dans toutes les régions du canton.
Le pèlerinage de Grandvillard
La plus grande grotte se trouve à Grandvillard : elle a été réalisée en 1958 pour le centenaire des apparitions de Lourdes à l’initiative du sellier du lieu, François Dupond, et construite par les paroissiens. Elle se trouve près d’une cascade créée par la Taouna, un torrent qui semble jaillir du rocher. Le lieu était déjà connu pour son charme et son air vivifiant depuis longtemps. L’installation de la grotte en fait un lieu de promenade et de dévotion couru. Tout a été aménagé pour que l’endroit s’apparente le plus fidèlement à la grotte de Massabielle, à Lourdes, où l’apparition de la Vierge a eu lieu.
Depuis 2010, le Groupement des hospitaliers et hospitalières de Notre-Dame de Lourdes de la Gruyère et environs, qui a pour but l’accompagnement des malades à Lourdes, organise un pèlerinage à Grandvillard chaque 15 août, jour de la fête de l’Assomption. Cette manifestation attire chaque année près d’un millier de personnes. Une cantine est montée pour accueillir les pèlerins. La messe et la bénédiction des malades constituent un moment important et attendu.
D’une manière générale, le succès remporté par de tels sanctuaires peut aussi s’expliquer par la charge symbolique de la grotte. Elle se trouve généralement dans un cadre naturel, plutôt sauvage mais aménagé et souvent recréé, où la présence de l’eau lui donne une valeur mystique encore plus forte. Ces cavités rocheuses où apparaît un filet d’eau ont été l’objet de croyances très anciennes.
Ces lieux de dévotion, créés principalement dans la première moitié du XXe siècle, continuent à être visités. En hiver, une grotte est installée dans la glace près du Lac Noir. Les visiteurs s’y arrêtent spontanément et allument des bougies. Au temps de Noël, la grotte de Plasselb, située dans un cadre romantique près de la Gérine, abrite une crèche vivante. Certaines grottes accueillent aussi mariages et baptêmes. Cependant, elles restent avant tout des lieux de promenade appréciés tout au long de l’année.
Texte : Anton Jungo, Anne Philipona
Traduction : Isabelle Raboud-Schüle
Pour aller plus loin
- ARBOGAST, Mathias , « Lourdesgrotten in Deutschfreiburg », 1e partie in : Freiburger Volkskalender 95 (2004), pp. 90-96 ; 2e partie in: Freiburger Volkskalender 96 (2005), pp. 52-60.
- ANDEREGG, Jean-Pierre, Une histoire du paysage fribourgeois/Freiburger Kulturlandschaften. Freiburg, 2002, p. 355 (liste des grottes de Lourdes dans le canton)
- BORCARD, Patrice, « Grottes de Lourdes. Fréquentation miraculeuse »,in La Gruyère, 16 août 2003, p. 3.
- NEUHAUS, Willy, 100 Jahre Grotte Giffers 1902 -2002. Carnet de Fête.
- RIME, Jacques, Le baptême de la montagne, Neuchâtel, 2021.