Pourquoi la stabilité financière de la CPPEF est-elle remise en question ?
La stabilité financière est menacée par deux tendances : la hausse de l’espérance de vie et la baisse des rendements sur les marchés financiers.
La CPPEF est soumise à une surveillance stricte. Elle doit prouver régulièrement sa capacité à financer les prestations promises. Cette capacité se mesure au travers du degré de couverture, qui indique le rapport entre la fortune de la caisse et les engagements envers toutes les personnes assurées, y compris les personnes à la retraite.
Lors du dernier examen, les représentants du personnel et de l’employeur ont dû constater que la CPPEF ne parviendrait pas à couvrir ses engagements sur le long terme. Alors que le degré de couverture devrait atteindre les 80% à l’horizon 2052, il pourrait se situer à 50% à cette date, si rien n’est entrepris. La pérennité de la Caisse et de ses prestations est donc menacée à moyen terme.
Cette détérioration de la situation est due à deux facteurs. D’une part, la diminution des revenus de la CPPEF, en raison d’une baisse des rendements qu’elle peut espérer de ses différents placements sur les marchés des capitaux. Alors qu’en 2011, on pouvait encore attendre un rendement de la fortune de 4,5%, l’espérance de rendement est dorénavant calculée sur la base d’un taux de 2,5%.
D’autre part, les évolutions démographiques montrent qu’il n’y a, depuis 2018 déjà, plus assez de personnes actives pour financer le nombre toujours croissant de rentes. En passant à la primauté des cotisations, la réforme assure que les cotisations des personnes actives suffiront à financer leur retraite. Cette double évolution n’est pas seulement constatée à la CPPEF : toutes les caisses de pension de Suisse sont confrontées à cette tendance.
Pourquoi le rendement des placements influe-t-il sur la santé de la CPPEF ?
Les cotisations du personnel et de l’employeur ne suffisent pas pour financer les rentes. La CPPEF doit augmenter son revenu en plaçant sa fortune, notamment sur les marchés de capitaux et dans l’immobilier – c’est le troisième cotisant.
Le rendement des marchés financiers a été fortement influencé par la crise bancaire et financière de l’automne 2008, qui a suivi la crise des « subprimes » de l’été 2007. La crise de liquidité, le resserrement du crédit pour les entreprises et les ménages, l’abaissement des taux directeurs des banques centrales, parmi d’autres facteurs, sont à l’origine d’une dégradation économique et de plans de relance financés par la dette gouvernementale. Les prévisions de rendement ont dû être revues à la baisse à plusieurs reprises.
La décision de la Banque nationale suisse du 15 janvier 2015 de supprimer le taux plancher de 1,20 francs pour 1 euro et l’introduction de taux négatifs dans le système bancaire ont également eu un fort impact sur les taux d’intérêts, appliqués notamment aux placements financiers des institutions de prévoyance. C’est pour cette raison que l’espérance de performance des placements de la CPPEF a été revue fortement à la baisse. Alors qu’en 2011, on pouvait encore espérer un rendement de la fortune de 4,5%, les attentes de rendement sont dorénavant calculées sur la base d’un taux de 2,5%, attesté par des spécialistes dans ce domaine et approuvés par les organes de surveillance de la CPPEF (actuaire, organe de révision, organe de surveillance des fondations).
Le phénomène des taux négatifs a aussi touché le marché de l’immobilier, et permis aux propriétaires de financer leur hypothèque à bon compte – ce qui a permis de baisser les loyers des locataires. Au niveau des caisses de pension, c’est l’effet inverse qui a été observé : elles ont vu leurs gains diminuer avec ce même phénomène.
Pourtant, les résultats financiers de la CPPEF en 2017 et 2019 étaient particulièrement satisfaisants. Pourquoi la caisse est-elle aussi alarmiste ?
Il est vrai que les rendements obtenus par la CPPEF sur les marchés financiers en 2017 et 2019, contrairement à ceux de 2016 et probablement de 2020, sont très satisfaisants. Ces données reflètent la nature mouvante des résultats annuels de la caisse, qui peuvent ponctuellement se révéler bons, alors même que la tendance globale sur le long terme est plutôt négative.
Dans la perspective d’une gestion saine à long terme, la CPPEF est tenue de ne pas se laisser influencer par des résultats conjoncturels. Sa responsabilité est d’assurer la pérennité de la caisse et de ses prestations. L’excellent résultat obtenu à la fin de l’année 2017 ne doit pas masquer la réalité des marchés financiers, dont l’évolution dans les années à venir va fragiliser la stabilité financière de la CPPEF. En 2018, le rendement était de - 2,29%, et il ne devrait pas être bon en 2020 et dans les années suivantes en raison de la crise sanitaire.
Pourquoi l’Etat n’entreprend-il pas de recapitalisation de la caisse de pension ?
La recapitalisation était proposée dans le projet de réforme envoyé en consultation par le Conseil d’Etat. Elle n’a pas été souhaitée par une majorité des acteurs consultés et a donc été abandonnée.
Quelle a été l’évolution du contexte légal et économique au cours des deux précédentes réformes ?
Une première réforme du plan de prévoyance a été initiée en 2009 et approuvée en mai 2011 par le Grand Conseil fribourgeois (entrée en vigueur au 1er janvier 2012). L’objectif était alors d’atteindre un degré de couverture de 70% grâce à une adaptation des cotisations, soutenue par une majorité des personnes consultées à l’époque. Mais à la fin 2010, le Parlement fédéral a imposé aux caisses publiques un degré de couverture minimal de 80% (entrée en vigueur au 1er janvier 2012). Auparavant, aucune contrainte ne leur était imposée et le législateur se satisfaisait uniquement de la garantie de l’Etat. A Fribourg, à moins de reporter durablement le projet, il n’était alors matériellement pas possible d’intégrer une étude actuarielle de la nouvelle donne décidée par le Parlement fédéral, ce d’autant plus que les rendements restaient satisfaisants.
A partir de 2012, la situation économique s’est profondément modifiée. Alors, l’espérance de rendement était encore fixée à 4,5% ; elle n’est plus aujourd’hui que de 2,5%. Les faits à disposition à l’époque ne permettaient pas de prévoir la baisse des taux comme elle s’est produite, notamment après la suppression inattendue du taux plancher de 1,20 francs pour un euro par la Banque nationale suisse, en janvier 2015. La dernière révision du plan, prévoyant une nouvelle fois une hausse des cotisations, venait d’être approuvée par le Grand Conseil fribourgeois, le 21 novembre 2014.
La réforme sur laquelle la population fribourgeoise a voté en novembre 2020 a été initiée en 2016.