Lorsque l’on parle de travail au noir, il s’agit le plus souvent de la non-déclaration des employé-e-s aux assurances sociales obligatoires et/ou aux autorités fiscales en ce qui concerne l'impôt à la source ainsi que de l’emploi de personnel étranger sans autorisation valable. Le travail au noir sévit dans tous les domaines. Il est, par essence, difficilement quantifiable. On estime que la part de l’économie souterraine, dont il fait partie, représente environ 6% du produit intérieur brut de la Suisse.
Le canton de Fribourg a fait de la lutte contre ce fléau économique une priorité et s’est doté d’outils innovants en complément aux dispositions fédérales en la matière. L’entrée en vigueur, en janvier 2020, de la révision de la Loi sur l’emploi et le marché du travail (LEMT) et celle de son règlement d’application en 2022 marquent un tournant significatif.
Mesures de contrainte administrative imposées à 35 entreprises
Sept inspecteurs de la surveillance du marché du travail du Service public de l’emploi (SPE) sont affectés à la lutte contre le travail au noir et au respect des dispositions relatives à l’accord sur la libre circulation des personnes. Ils peuvent dorénavant, dans certains cas précis, ordonner des mesures de contrainte administrative de manière immédiate. En cas de suspicion de fraude, certaines entreprises sont ainsi sommées sur le champ de fermer leurs portes ou la direction et l’ensemble du personnel interdits d’accès à leur lieu de travail − avec de lourdes conséquences financières et d’importants dégâts d’image. Le canton de Fribourg est le seul en Suisse à disposer de cet outil dans son escarcelle. A ce jour, 35 entreprises ont été épinglées : 4 restaurants ont dû suspendre leur activité et 31 entreprises ont vu l’accès à leur site bloqué, pour la plupart des chantiers. Les sanctions sont ordonnées sur le champ par les inspecteurs, confirmées ensuite par une décision administrative du SPE et levées uniquement lorsque les entreprises se sont mises en conformité.
entreprises dont l'activité a été suspendue ou dont l'accès au lieu de travail a été interdit.
Compétences des inspecteurs du SPE élargies
Autre nouveauté de taille : les inspecteurs du SPE peuvent dorénavant agir en qualité d’agents de la police judiciaire. En plus d’effectuer des contrôles, ils sont habilités à enquêter, surveiller et observer un individu ou l’activité d’une entreprise dans les limites posées par le code de procédure pénale. Convoquer et auditionner des employeurs et employeuses ou des travailleurs et travailleuses fait également partie de leurs récentes prérogatives. A noter que le SPE mandate également l’Inspectorat Chantiers Fribourg (ICF), qu’il charge d’effectuer des inspections dans le domaine de la construction. Les inspecteurs en question ne disposent cependant pas des compétences judiciaires de leurs homologues étatiques. Ils sont toutefois habilités, comme les inspecteurs du SPE, à ordonner des mesures de contrainte administrative.
Contrôles plus ciblés et approfondis
Les nouvelles prérogatives de police judiciaire des inspecteurs de la surveillance du marché du travail ont permis d’améliorer le ciblage des entreprises indélicates, gage d’efficacité et d’indépendance. En 2023, 633 entreprises et 2'270 travailleurs et travailleuses ont fait l’objet d’un contrôle, principalement dans les branches de la construction, du commerce et de la coiffure. Sur ce nombre, 217 entreprises et 429 travailleurs et travailleuses ont été soupçonnés d’infraction. Les inspecteurs ont établi des rapports de dénonciation qui sont transmis aux autorités appelées à statuer sur ces cas (Ministère public, Service des contributions, etc.).
Certains dossiers sont encore en cours d’instruction, raison pour laquelle le nombre et la nature des sanctions prononcées en 2023 ne sont pas encore disponibles. Les chiffres de 2022 montrent que sur les 601 entreprises visitées, 69 ont été le cadre d’une violation de la loi sur le travail au noir (11,5%) et que 96 des 1’285 travailleurs et travailleuses contrôlés étaient en infraction (7,5%). A relever que le nombre des dossiers soumis au Ministère public pour enquête pénale a bondi : il est passé de 17 en 2022 à 57 en 2023.
« Le travail au noir, c’est risqué et ça va se savoir ! » : campagne de communication
La répression ne saurait constituer l’unique instrument de lutte contre le travail au noir, dommageable pour tous : collectivités publiques, entreprises, employé-e-s. Le SPE lance une nouvelle campagne d’information et de sensibilisation intitulée « Le travail au noir, c’est risqué et ça va se savoir ! ». Elle se focalisera sur les risques à recourir au travail au noir et se déclinera sous plusieurs formes : une page dédiée sur le site de l’Etat de Fribourg (fr.ch/travail-au-noir), des vidéos diffusées sur les réseaux sociaux, des annonces dans la presse ou encore un travail d’information en étroite collaboration avec les associations faîtières du canton.
Travail au noir: c'est risqué et ça va se savoir!
Consultez la page de la campagne cantonale d'information et de sensibilisation.