Cette exposition est le fruit d'une collaboration étroite entre les Visitandines de Fribourg, le Service des biens culturels de l'État de Fribourg et le musée de la Visitation de Moulins qui ont réalisé ensemble le livre qui accompagne l'événement et présente l'histoire de la communauté, de ses bâtiments, de sa sacristie, de son orfèvrerie, de ses tableaux et de ses parements.
Ce travail de mémoire, encouragé par les Sœurs, a commencé par un recensement systématique du patrimoine religieux du monastère. Près de 2'000 objets ont été documentés et photographiés, révélant des pièces uniques dans tous les domaines, de toutes époques et de toutes matières, des précieux objets liturgiques aux services de tables et ustensiles en argent, cuivre, étain ou fer blanc, des objets de dévotion aux sabliers rythmant la vie quotidienne, du mobilier de monastère aux aménagements de l'église. Nombre de ces réalisations témoignent des relations privilégiées que la communauté n'a cessé de nouer avec les familles de ses Sœurs, avec ses bienfaitrices et donateurs, ainsi qu'avec ses pensionnaires, élèves ou dames retraitantes. Il était donc essentiel de pouvoir inscrire ce patrimoine dans un contexte historique. Les Visitandines entretiennent une relation originale avec leur histoire, constituant dès la fondation de l'Ordre en 1610, et pour chaque monastère, des Annales, des Lettres circulaires et des Abrégés de vie. Elles conservent ainsi de précieuses archives " familiales " qui ont été généreusement mises à disposition des chercheurs et qui ont permis de réécrire l'histoire du monastère de Fribourg.
L'accès à ces sources de première main et aux bâtiments a permis de revoir également l'histoire des lieux. Construits entre 1653 et 1663, l'église à plan centré et le premier corps de logis, dessinés par Jean-François Reyff, comptent parmi les édifices majeurs de l'architecture suisse. Ils ont été complétés en 1726 par une nouvelle aile puis en 1862 par un pensionnat qui fit la réputation des Visitandines de Fribourg jusqu'à sa fermeture en 1922.
L'ouvrage qui sert de catalogue à l'exposition évoque aussi l'histoire plus récente de la communauté au XXe siècle, lieu de prière et de refuge temporaire pour maintes femmes dont la fille de Staline. La Supérieure actuelle y évoque l'évolution de sa maison suite à l'aggiornamento de l'Église et de l'Ordre, mais également la vie quotidienne d'une communauté en proie aux difficultés économiques.
Le rayonnement de la Visitation ne se limite pas à son patrimoine mobilier et immobilier. Fribourg a joué un rôle essentiel dans le relèvement de l'Ordre après la Révolution. Ayant accueilli de nombreuses Sœurs et femmes en fuite puis ayant vécu sans gros dommage l'invasion française de 1798, la communauté fribourgeoise fut considérée comme garante des valeurs et des coutumes de la Visitation. Elle fut ainsi appelée à contribuer, par le " prêt " de Supérieures, à la restauration de maisons religieuses en France, en Italie, en Allemagne et même aux États-Unis, entre 1812 et 1862. Le monastère fribourgeois fut également le berceau de la dévotion au Sacré-Cœur, largement diffusée dans le canton depuis 1865.
Révélant des trésors et des destins méconnus, l'exposition de Moulins et son catalogue, dévoilent l'importance de ces religieuses dans la ville et de ces femmes dans leur temps. Cette collaboration montre aussi l'urgence de fixer cette mémoire, au-delà de la conservation du patrimoine, pour rappeler le rôle des communautés monastiques dans la vie sociale de Fribourg et la modernité de leur message.
Gérard PICAUD, Jean FOISSELON et Aloys LAUPER (dir.), Quand la Suisse ouvre ses coffres. Trésors de la Visitation de Fribourg, Somogy éditions d'art et musée de la Visitation, Paris et Moulins, 2018, 320 p. En vente dans les librairies, au monastère de la Visitation ou auprès du Service des biens culturels de l'État de Fribourg, au prix de 59.-.