Dans sa séance du 27 février 2024, le Conseil d'Etat a arrêté les résultats des comptes 2023 qui se présentent de la manière suivante :
- Un excédent de revenus du compte de résultats s’élevant à 0,2 million de francs ;
- Un excédent de dépenses de 211,6 millions de francs au compte des investissements ;
- Une insuffisance de financement de 52,6 millions de francs ;
- Un degré d’autofinancement de 75,2 %.
Compte de résultats |
Comptes 2023 |
Budget 2023 |
Variations par rapport au budget 2023 |
Comptes 2022 |
---|---|---|---|---|
en millions de francs |
en millions de francs |
en millions de francs |
en millions de francs |
|
Revenus |
4222,4 |
4051,6 |
+ 170,8 |
4517,3 |
Charges |
4222,2 |
4051,5 |
+ 170,7 |
4516,8 |
Excédent de revenus (+) / de charges (-) |
+ 0,2 |
+ 0,1 |
+ 0,1 |
+ 0,5 |
Pour la première fois depuis près de 10 ans, les revenus courants de l’Etat ne parviennent pas à couvrir les charges courantes. Le recours aux provisions a permis de compenser l’écart qui s’est fait jour.
1. Des revenus en progression
Les revenus de l’exercice 2023 s’élèvent à 4222,4 millions de francs, soit un chiffre de 4,2 % (+ 170,8 millions de francs) supérieur au budget. La situation se présente comme suit :
Revenus |
Comptes 2023 |
Budget 2023 |
Variations par rapport au budget 2023 |
|
---|---|---|---|---|
en millions de francs |
en millions de francs |
en millions de francs |
en % |
|
Revenus fiscaux |
1431,3 |
1367,5 |
+ 63,8 |
+ 4,7 |
Revenus des biens, taxes, émoluments et contributions |
402,0 |
388,9 |
+ 13,1 |
+ 3,4 |
Revenus de transferts |
2069,1 |
2048,9 |
+ 20,2 |
+ 1,0 |
Prélèvements sur les fonds et financements spéciaux |
260,1 |
200,1 |
+ 60,0 |
+ 30,0 |
Revenus extraordinaires |
5,4 |
- |
+ 5,4 |
- |
Imputations internes |
54,5 |
46,2 |
+ 8,3 |
+ 18,0 |
Total |
4222,4 |
4051,6 |
+ 170,8 |
+ 4,2 |
L’évolution globale des revenus s’explique principalement par les points suivants :
- Au vu du résultat des comptes, le prélèvement de 50 millions de francs sur la provision BNS a été nécessaire. Le solde de la provision, à savoir 103 millions de francs, est engagé à hauteur de 50 millions de francs dans le budget 2024.
- Les produits de la fiscalité cantonale dépassent de 4,7 % les prévisions budgétaires, soit une hausse de 63,8 millions de francs. Il convient de relever que les perspectives conjoncturelles de mi-2022 décrivaient encore une évolution incertaine de l’économie, en raison des effets de la pandémie et du contexte géopolitique. Malgré un ralentissement, la croissance économique s’est finalement maintenue ;
- Le poste « Revenus des biens, taxes, émoluments et contributions » présente un écart positif de 3,4 % par rapport au budget. L’essentiel de cette amélioration s’explique par les revenus de la taxe sociale en hausse ainsi que par des revenus des intérêts et des prêts plus importants que prévu ;
- L’évolution constatée dans le poste « Revenus de transferts » provient en grande partie de l’augmentation significative des dédommagements de collectivités publiques (+ 13,2 millions de francs, dont 10 millions de francs en lien avec l’asile et les réfugiés) et des subventions acquises (+ 11,3 millions de francs en lien avec la HES-SO//FR, les prestations complémentaires AVS/AI ainsi que l’assurance maladie). Les ressources de la péréquation fédérale sont dans la cible des prévisions budgétaires, soit de 591,3 millions de francs ;
- Le poste « Prélèvements sur les fonds et financements spéciaux » présente une augmentation marquée de 30% (+ 60 millions de francs). Plusieurs prélèvements ont été sensiblement plus élevés, notamment en ce qui concerne le fonds de relance, le fonds de l’asile et le fonds des routes principales. Quant aux principaux prélèvements sur provisions, ils servent à couvrir des dépenses en lien avec la pandémie, la santé (HFR, RFSM et hospitalisations hors canton), les subventions relatives aux constructions scolaires ainsi qu’un solde de prêts pour les remontées mécaniques.
2. Des charges courantes supérieures au budget
Le total des charges de fonctionnement de l’année 2023 s’élève à 4222,2 millions de francs, soit 170,7 millions de francs ou 4,2% de plus qu’au budget. Il faut relever qu’il n’existe plus de marge de manœuvre entre le budget et les comptes comme ce fut parfois le cas par le passé. La situation se présente comme suit :
Charges |
Comptes 2023 |
Budget 2023 |
Variations par rapport au budget 2023 |
|
---|---|---|---|---|
en millions de francs |
en millions de francs |
en millions de francs |
en % |
|
Charges de personnel |
1463,4 |
1455,3 |
+ 8,1 |
+ 0,6 |
Consommation de biens et services |
424,4 |
407,6 |
+ 16,8 |
+ 4,1 |
Charges financières |
6,2 |
5,2 |
+ 1,0 |
+ 19,2 |
Amortissements du patrimoine administratif |
85,3 |
89,9 |
- 4,6 |
- 5,1 |
Amortissements des prêts, participations et subventions d’investissements |
93,6 |
88,8 |
+ 4,8 |
+ 5,4 |
Charges de transferts |
1956,9 |
1895,2 |
+ 61,7 |
+ 3,3 |
Financements spéciaux |
137,9 |
63,3 |
+ 74,6 |
+ 117,9 |
Imputations internes |
54,5 |
46,2 |
+ 8,3 |
+ 18,0 |
Total |
4222,2 |
4051,5 |
+ 170,7 |
+ 4,2 |
Le dépassement constaté est imputable aux principaux points suivants :
- Les charges de personnel excèdent le budget de 0,6 %. Cet écart s’explique d’une part, par des dépenses supplémentaires de 2,5 millions de francs de charges de personnel auxiliaire à la HES-SO//FR couvertes par des recettes externes et d’autre part, par un surplus de 1,8 million de francs du coût du personnel enregistré dans le secteur spécifique de l’Université entièrement financé également par des ressources extérieures. Hormis ces cas particuliers, il s’avère que les charges de personnel dépassent le cadre budgétaire ;
- Les charges de consommation de biens et services et les autres charges d’exploitation dépassent la cible budgétaire (+ 4,1 %). Cela concerne notamment l’entretien des routes principales (+ 2,8 millions de francs), montant totalement couvert par un prélèvement sur un fonds, ainsi que des réévaluations nécessaires des provisions relatives aux pertes sur débiteurs (+ 7 millions de francs) ;
- Les charges de transferts (subventions) ont très largement dépassé la cible budgétaire, principalement dans le domaine des hôpitaux, du développement du sport ainsi que dans celui de l’asile suite notamment au conflit en Ukraine ;
- La variation exceptionnelle par rapport au budget du poste « Financements spéciaux » est due principalement à la constitution d’une provision pour financer les surcoûts liés à la construction de la BCU (+ 26 millions de francs) ainsi qu’à l’alimentation de la provision liée à l’assainissement de l’HFR (+ 10 millions de francs). A cela s’ajoute une attribution complémentaire au fonds de l’énergie (+ 10 millions de francs). A noter que ces deux dernières opérations résultent de réallocations entre provisions et fonds.
3. Un volume d’investissements particulièrement élevé
Comptes 2023 |
Budget 2023 |
Comptes 2022 |
|
---|---|---|---|
en millions de francs |
en millions de francs |
en millions de francs |
|
Dépenses d'investissements |
246,1 |
283,8 |
228,7 |
Entretien des bâtiments et des routes |
35,6 |
33,3 |
33,4 |
Total |
281,7 |
317,1 |
262,1 |
Autofinancement en % des investissements nets |
75,2% |
53,0% |
173,7% |
Le volume des investissements atteint plus de 246 millions de francs. En ce qui concerne uniquement les investissements propres à l’Etat, les principales réalisations concernent notamment la construction et l’aménagement d’immeubles (Agroscope, Arsenaux 8 et 41, Château de Bulle, Halle Grise pour un total de 33,7 millions de francs), les routes cantonales et principales (21 millions de francs), la Bibliothèque cantonale et universitaire (20 millions de francs), l’Etablissement de détention fribourgeois (19,2 millions de francs), l’Université (6,9 millions de francs), le Collège Sainte-Croix (5,8 millions de francs) ou encore le Musée d’histoire naturelle (4 millions de francs).
A relever que le volume des investissements 2023 est supérieur à celui de l’année précédente (+ 17,4 millions de francs, soit + 7,6 %). Si l’on cumule les investissements bruts et les crédits dépensés pour entretenir les bâtiments et les routes (35,6 millions de francs), le volume total des travaux atteint 281,7 millions de francs, soit 6,3 % des dépenses brutes totales de l'Etat ; un chiffre dépassant largement celui de l’année précédente (2022 : 5,5 %) et qui concrétise la volonté du gouvernement de mener une politique ambitieuse vis-à-vis des infrastructures.
4. Impacts de la crise du Covid sur les dépenses
Les comptes 2023 ont été à nouveau impactés par les effets de la crise sanitaire. En effet, plusieurs mesures, mises en place dès 2020 et poursuivies en 2021 et 2022, ont généré encore certaines dépenses en 2023. Globalement, les charges brutes en lien avec la pandémie de Covid-19 se sont élevées à 22,9 millions de francs, dont 7 millions de francs se rapportant aux différentes mesures de soutien à l’économie et 6,5 millions de francs concernant un soutien aux hôpitaux publics. Un montant de 9,4 millions de francs est en outre imputable aux autres charges en lien avec la crise de Covid-19, dont principalement 6,8 millions de francs pour la prise en charge des surcoûts Covid dans les EMS et les services d’aide et de soins à domicile ainsi que 2 millions de francs destinés à la Task Force sanitaire. Certaines de ces dépenses ont enregistré des récupérations et participations, portant ainsi le total des charges nettes à 20,1 millions de francs.
Les dépenses en lien avec la crise sanitaire ont été couvertes par un prélèvement sur la provision créée à cet effet. Cumulées depuis le début de la pandémie en 2020, les dépenses brutes en lien avec la crise sanitaire s’élèvent à 357,2 millions de francs. L’Etat de Fribourg en a assumé les deux-tiers (245,5 millions de francs) ; le solde ayant été couvert par des récupérations auprès de la Confédération notamment.
5. Vers un changement de paradigme
Avant opérations de clôture, l’exercice 2023 affiche un excédent de charges de 26,8 millions de francs. C’est la première fois depuis près de dix ans qu’une telle situation se représente. Sur les trois années précédentes, les excédents de revenus avant opérations de clôture se sont montés en moyenne à plus de 110 millions de francs ; ce qui montre l’ampleur du changement.
L’absence de versement de la part de la BNS a nécessité un prélèvement de 50 millions de francs sur la provision y relative. Cette opération a notamment permis au Conseil d’Etat de présenter des comptes 2023 à l’équilibre.
Ainsi en raison de tous ces éléments, l’insuffisance de financement constatée dans les comptes 2023 inquiète le gouvernement. Cela est d’autant plus préoccupant que cette situation survient en période de bonne conjoncture où le taux de chômage est faible et la masse des recettes fiscales augmente. L’émergence d’une situation de déficit structurel appelle à la plus grande vigilance.
Par conséquent, le Conseil d’Etat invite à la retenue et à la prudence en matière de dépenses futures. Il compte également sur l’appui du Grand Conseil pour l’aider à maîtriser l’évolution des charges qui ont tendance à augmenter plus vite que les recettes, dans un contexte délicat de tassement prévisible des versements en provenance de la Confédération.