A la suite du Plan d’action visant à réduire les risques liés aux produits phytosanitaires dans les domaines agricole et non agricole 2017 de la Confédération, le canton de Fribourg a renforcé l’année suivante les mesures cantonales existantes telles que les essais et les démonstrations par Grangeneuve de nouvelles techniques culturales permettant de réduire les applications de ces produits, et a soutenu l’installation de stations de lavage de pulvérisateurs.
Le 28 juin 2021, le Conseil d’Etat a adopté le Plan d’action visant à réduire les risques liés aux produits phytosanitaires dans les domaines agricole et non agricole proposé par la Direction des institutions, de l’agriculture et des forêts (DIAF) et la Direction de l’aménagement de l’environnement et des constructions (DAEC). Le coût de la mise en œuvre de ses mesures pour la période 2022-2025s’élève à 8,6 millions de francs.
Le « Plan phyto » cantonal intègre l’objectif stratégique fédéral, adopté par les Chambres fédérales en mars dernier, de réduire de moitié les risques liés à ces produits d’ici à 2027. Le plan cantonal a pour priorité d’améliorer la qualité des eaux du canton de Fribourg. Il renforce d’une part les activités et planifications existantes et propose d’autre part de nouvelles mesures ciblées :
- Renforcement de la formation et du conseil indépendant des agriculteurs : la formation, le conseil et l’échange autour des questions phytosanitaires aident les professionnels à trouver des solutions adaptées à leur situation et permettent une amélioration des pratiques de manière durable.
- Incitations financières en cas de réductions de produits phytosanitaires dans les terres ouvertes, les cultures pérennes ou de réduction des émissions dues au ruissellement : un soutien financier cantonal, ajouté aux contributions fédérales, aura un effet de levier. Il facilitera le renoncement aux herbicides et incitera à réduire l’utilisation d’autres produits phytosanitaires, voire à passer à l’agriculture biologique.
- Projets de protection des eaux : exploiter de façon extensive les abords des cours d’eau; autoriser à proximité des captages stratégiques d’eau potable (S2, S3 et Zu) seulement les produits phytosanitaires ne présentant pas un risque concret de pollution de l’eau ; conduire des projets pilotes en collaboration avec les exploitants agricoles, les gestionnaires d’eau potable, la Confédération et l’Etat afin de réduire l’usage des pesticides dans ces secteurs.
- Exemplarité de l’Etat agriculture : installation sur la ferme-école de Grangeneuve d’un système de traitement des effluents phytosanitaires dans un but pédagogique et démonstratif.
- Contrôle de l’utilisation : respect plus strict des conditions d’utilisation des produits phytosanitaires, notamment des mesures de réduction des risques de dérive et de ruissellement. Exécuter des analyses de résidus de produits phytosanitaires dans des échantillons de plantes ou de sol prélevés de manière ciblée ; contrôler la mise en œuvre de mesures concrètes garantissant la protection des eaux (ex : respect des bordures tampon, connaissances des conditions d’utilisation des produits phytosanitaires, lutte contre le ruissellement, etc.).
- Soutien aux circuits courts pour la commercialisation de produits agricoles fribourgeois basés sur une utilisation réduite de produits phytosanitaires : développement de la consommation locale et durable. Augmentation de la demande et la vente de produits de proximité et produits avec peu ou sans produits phytosanitaires. Contribution au développement de projet de filières basés sur une utilisation réduite de produits phytosanitaires.
- Renforcement du conseil et de la formation horticoles : Grangeneuve, en collaboration avec JardinSuisse et Hepia (Haute école du paysage, d’ingénierie et d’architecture de Genève), devient référent concernant la formation continue en lien avec l’utilisation des produits phytosanitaires.
- Sensibilisation des particuliers : retour à une gestion naturelle et non chimique des jardins privés en diminuant l’emploi des produits phytosanitaires, en proposant aux particuliers des alternatives aux entretiens chimiques.
- Formation et sensibilisation des communes : amélioration des connaissances et des pratiques des employés communaux utilisant des produits phytosanitaires. Effet d’exemple des communes pour développer les espaces naturels favorisant la biodiversité et pour promouvoir l’acceptation de ces espaces par les particuliers.
- Intégrer la problématique des phytosanitaires dans les planifications cantonales (PSIEau) et communales (PIEP) pour l’eau potable : adapter les bilans disponibilités / besoins en eau potable et faire compléter les plans d’actions communaux en intégrant la problématique du chlorothalonil et des pesticides en général.
Le Plan phyto met aussi en place un monitoring de l’effet du plan d’action sur les eaux et sur la production agricole afin d’adapter, le cas échéant, les mesures afin d’atteindre les objectifs fixés pour la période 2022-2027.
Trop de métabolites de pesticides dans les eaux souterraines
Le Service de l’environnement (SEn) a établi un état des lieux des pesticides dans les eaux souterraines du canton. Ce rapport rassemble diverses données brutes provenant du réseau d’observation national des eaux souterraines (NAQUA) de 2014 à 2020 et des résultats provenant de la surveillance cantonale des eaux souterraines de 2008 à 2020 effectuée par le SEn.
Les résultats des campagnes montrent que les substances actives des pesticides ne dépassent que rarement la limite légale. La situation est plus problématique en ce qui concerne les produits de dégradation des pesticides (appelés aussi métabolites). En 2020, ce sont 74 % des échantillons qui contiennent au moins un résidu de produits phytosanitaires et parfois à des teneurs supérieures à la valeur légale de 0.1 µg/l. Les régions les plus touchées sont la Broye, le Lac, la Singine, la Sarine et le sud de la Glâne. En Gruyère et en Veveyse, la qualité des eaux est en revanche le plus souvent irréprochable au regard de leur teneur en résidus de pesticides.
Les résultats de cet état des lieux plaident en faveur de la mise en œuvre de mesures renforcées pour réduire la présence de substances phytosanitaires dans les eaux, en particulier celles utilisées pour l’alimentation en eau potable.