Les collections d’histoire naturelle sont les archives de la vie. Elles aident à appréhender et à étudier la diversité de la vie sur notre planète. Les conserver, les enrichir et les rendre accessibles font partie des missions principales des institutions comme le Musée d’histoire naturelle de Fribourg. Pour permettre aux scientifiques, mais aussi au public intéressé d’accéder à ces trésors, des outils numériques tels que des banques de données ou des plateformes en ligne sont aujourd’hui indispensables. Il y a toutefois une condition préalable : toutes les informations concernant chaque objet de la collection doivent d’abord être saisies numériquement ; un défi colossal en termes de ressources financières et humaines pour de nombreuses institutions.
Afin de faciliter cette tâche et d’uniformiser les bases de données, l’Académie suisse des sciences naturelles (SCNAT) a lancé en 2022 le projet SwissCollNet (Réseau suisse des collections d’histoire naturelle). Le MHNF y a participé en soumettant un projet botanique et un projet zoologique, qui sont tous deux aujourd’hui terminés. Le coût total des deux projets s’est élevé à près de 600 000 francs sur trois ans. La moitié de ce montant a été financée par la Confédération dans le cadre de son soutien à SwissCollNet. Le reste, à la charge de l’Etat de Fribourg, a été composé des ressources internes du musée à raison de 185 000 francs, et d’une augmentation du budget ordinaire à hauteur de 114 000 francs.
L’herbier de Franz Joseph Lagger
Le projet botanique consistait à numériser l’herbier géographique de Franz Joseph Lagger (1799–1870), un médecin valaisan établi à Fribourg. 11 025 planches d’herbier ont été scannées individuellement, dotées d’un numéro d’inventaire et saisies dans une base de données numérique. L’ensemble de l’herbier de Franz Joseph Lagger comprend au total 18 000 spécimens du monde entier, ce qui représente environ 15 % de l’ensemble de la collection botanique du musée. « L’herbier Lagger est une collection internationale de grande valeur », explique le conservateur de la collection Gregor Kozlowski. « Nous nous attendions à découvrir de nombreux spécimens types, c’est-à-dire des plantes qui sont considérées comme une référence mondiale pour la description d’une espèce et qui ont une grande valeur scientifique ». Finalement, ce sont près de 600 spécimens types qui ont été trouvés, provenant principalement du monde arabe et d’Afrique. Pour la Suisse, Fumaria laggeri (fumeterre de Lagger) en est un bon exemple. Découverte par Lagger en 1852 à Zermatt, elle a été baptisée en son honneur par son ami Alexis Jordan, un botaniste français.
L’herbier Lagger contient aussi plus de 1700 espèces récoltées en Suisse ; dont 400 sont aujourd’hui des espèces rares, voire disparues comme Draba incana (drave blanchâtre) qui n’a plus été revue dans les Préalpes fribourgeoises et bernoises. Grâce aux indications de localisation très précises fournies par Lagger il y a un siècle et demi, les botanistes d’aujourd’hui disposent d’informations précieuses pour retrouver cette plante.
Les collections de coléoptères de Hans Pochon et de Nestor Cerutti
Le projet zoologique a permis d’inventorier et de numériser les collections de coléoptères de Hans Pochon (1900–1977) et de Nestor Cerutti (1886–1940). Les 34 742 coléoptères de ces deux collections représentent 86 % de tous les coléoptères conservés par le musée. Au cours des vingt-quatre mois du projet, tous ces spécimens ont été entièrement saisis, préparés et classés par famille et par genre. Il en résulte 242 boîtes d’insectes qui répondent à tous les critères d’une conservation professionnelle. Les coléoptères des deux collections originales « Pochon » et « Cerutti » ont été réunis dans une nouvelle collection générale où chaque insecte s’est vu attribuer un nom scientifique actuel et a été classé alphabétiquement pour une grande facilité d’accès. « C’est plus clair et plus pratique », explique Sophie Giriens, conservatrice des collections zoologiques. Chaque coléoptère a reçu un numéro d’inventaire et a été catalogué numériquement. Ensuite, toutes les boîtes ont été photographiées afin de les rendre accessibles sous forme d’images numériques.
La collection nouvellement traitée profite aux chercheurs, mais aussi au musée lui-même : « Nous savons maintenant exactement ce que nous avons dans nos collections et nous pouvons travailler avec, que ce soit pour des projets scientifiques, des expositions ou de la médiation culturelle », renchérit Sophie Giriens. Le projet a en outre permis de mettre au jour l’une ou l’autre découverte remarquable. Ainsi, un exemplaire du charançon Polydrusus abeillei récolté en Valais constitue la preuve que cette espèce était autrefois présente en Suisse, tandis qu’un carabidé de l’espèce Trechus pochoni du Tessin s’est avéré être un exemplaire type.
Plus de la moitié de la collection scientifique du musée est numérisée
Dans l’ensemble, SwissCollNet a donné un grand coup d’accélération à la numérisation de la collection scientifique du MHNF qui comprend plus de 270 000 objets issus des domaines de la zoologie, de la botanique et des sciences de la Terre. Alors qu’un peu plus de 90 000 objets étaient saisis avant le lancement du projet, ils sont aujourd’hui plus de 135 000, soit la moitié de l’ensemble de la collection qui appartient à l’Etat de Fribourg. C’est primordial pour rendre le patrimoine cantonal accessible aux scientifiques et au grand public. En tant que « fenêtres sur le passé », les collections d’histoire naturelle offrent de précieuses informations sur l’évolution de la biodiversité et peuvent aider à prendre des mesures de protection de la nature.
Grâce à SwissCollNet, le musée a aussi gagné en expérience dans la numérisation et noué de précieux contacts en collaborant étroitement avec des spécialistes d’autres institutions de toute la Suisse.
Tous les objets inventoriés seront accessibles en ligne
Jusqu’à aujourd’hui, le MHNF disposait de plusieurs bases de données pour ses collections. Afin d’améliorer l’utilisation des informations et de les rassembler dans une base de données unique, il travaille actuellement à l’uniformisation de toutes les données selon des standards internationaux. Dans le cadre de SwissCollNet, un outil commun à toutes les institutions suisses participant au réseau, a été développé pour que tous les objets de collection saisis numériquement puissent être mis à disposition sur des plateformes de consultation en ligne. Cet outil, qui transmettra les données à la plateforme GBIF (« Global Biodiversity Information Facility »), alimentera aussi une plateforme dédiée en cours d’élaboration, puis l’enrichira au fil du temps. Ainsi, les collections de sciences naturelles de toutes les institutions participantes pourront être consultées en ligne en quelques clics par toutes les personnes intéressées.