A l'instar du Conseil fédéral et du Parlement, le Conseil d'Etat fribourgeois recommande de refuser, lors de la votation populaire du 24 novembre prochain, l'initiative visant des déductions fiscales également pour les parents qui gardent eux-mêmes leurs enfants.
1.1. Des répercussions considérables sur les finances cantonales
L'initiative aurait logiquement d'importantes répercussions sur les budgets des collectivités publiques. S'agissant de l'impôt fédéral direct, elle entraînerait, selon les estimations de la Confédération, un manque à gagner de quelque 390 millions de francs par an dans l'hypothèse où la déduction forfaitaire serait calculée sur la base du montant maximal actuellement déductible. Une enquête auprès des membres de la Conférence des directrices et des directeurs cantonaux des finances révèle qu'au niveau des impôts cantonaux et communaux, les pertes de recettes sont évaluées à près d'un milliard de francs. Pour le canton de Fribourg, cela signifierait une baisse des revenus fiscaux de plus de 30 millions de francs (canton et communes). Afin de limiter ces pertes, les déductions actuelles pour les frais de garde des enfants par des tiers devraient sans doute être réduites sensiblement.
1.2. Une initiative injuste et inégalitaire
Depuis le 1er janvier 2011, l'introduction de la déduction pour les frais de garde des enfants par des tiers a permis d'établir un système égalitaire entre les familles gardant elles-mêmes leurs enfants et celles confiant leur garde à des tiers afin d'exercer une activité lucrative, imposée fiscalement le cas échéant. Les frais attestés de garde peuvent ainsi être déduits à concurrence de 10'100 francs par an et par enfant au titre de l'impôt fédéral direct. Les cantons sont également tenus d'accorder une déduction pour les frais de garde des enfants par des tiers mais peuvent en fixer librement le montant maximal. A Fribourg, ce montant forfaitaire s'élève à 6'000 francs par enfant (une déduction à ce titre, d'abord limitée à 2000 francs par enfant, existe depuis le 1er janvier 2001).
Il ne s'agit donc pas d'une déduction forfaitaire pour les frais de garde des enfants, mais d'une déduction au titre des dépenses effectivement consenties par les parents. Les parents optant pour la prise en charge des enfants au sein de la famille renoncent certes à un revenu additionnel dès lors que seul un des conjoints exerce une activité professionnelle, mais ils ne doivent pas non plus assumer des dépenses supplémentaires. Du point de vue de la systématique fiscale, il n'y a aucune justification de déduire des frais qui concernent des dépenses qui n'ont pas été effectuées. En matière de déductibilité des frais de garde, les deux situations sont donc foncièrement différentes et on peut difficilement parler d'inégalité de traitement.
Par ailleurs, l'initiative va au-delà d'un but fiscal en favorisant un certain modèle familial, ce que ne souhaite pas le Conseil d'Etat. Proposer la déduction fiscale également aux parents gardant euxmêmes leurs enfants impliquerait que les collectivités publiques financent des activités relevant de la sphère privée. Par ailleurs, à l'heure actuelle, seule la moitié des familles avec enfant(s) paient l'impôt fédéral direct. Compte tenu de la progressivité du barème des impôts, l'initiative avantagerait essentiellement les familles bénéficiant d'une situation économique confortable.
1.3. Une réalité complexe qui ne simplifiera pas le système fiscal
Si l'initiative devait être acceptée, l'application de la nouvelle loi serait assurément difficile au vu de la réalité propre à chaque famille et la multitude de scénarios possibles en fonction du taux d'occupation. A titre d'exemple, dans le cas où chaque parent travaille à 50% et assure à hauteur de 50% la garde des enfants, l'initiative ne dit pas comment la déduction fiscale devrait être calculée. Elle ne traite pas non plus du grand nombre de parents qui travaillent tout en faisant garder gratuitement leurs enfants par les grands-parents. Le cas des parents tous deux employés à 100% dont les horaires en alternance leur permettent de garder eux-mêmes leurs enfants n'est également pas évoqué. Quel que soit le modèle familial dont on parle, il apparaît d'ores et déjà évident que l'initiative populaire ne simplifiera pas le système fiscal actuel.
L'initiative pour les familles implique des pertes fiscales importantes pour le canton et favorise les hauts revenus
Le Conseil d'Etat recommande de rejeter l'initiative populaire intitulée " Initiative pour les familles : déductions fiscales aussi pour les parents qui gardent eux-mêmes leurs enfants ". Il relève que, pour le canton de Fribourg, ces nouvelles déductions signifieraient des pertes financières importantes. Le gouvernement estime également que le système actuel garantit une égalité de traitement fiscal en matière de garde des enfants alors que l'initiative engendre un nouveau déséquilibre et favorise les familles à hauts revenus.
Publié le 08 Novembre 2013 - 14h00 Archivé
Publié par Conseil d'Etat
Dernière modification : 08.11.2013 - 14h00