Bâtir Fribourg au 20e siècle, La ville – die Stadt 1950-2000

Les recherches nécessaires à ce projet d’envergure sur l’architecture et le génie civil du 20e siècle dans le canton débutent en 1990, à l’instigation de François Martin, alors responsable des permis de construire à l’Office des constructions et de l’aménagement du territoire (OCAT) à l’État de Fribourg. Il considère ce projet comme une sorte d’analyse des qualités du bâti issu d’un passé récent. Le règlement d’application de la loi du 7 novembre 1991 sur la protection des biens culturels, mentionne explicitement, parmi les recensements thématiques établis par l’État, celui des «constructions et ensembles de constructions contemporaines de qualité». Fribourg est le premier canton suisse à franchir ce pas. Une commission du recensement architectural contemporain a été mise sur pied le 28 août 1990 déjà. Elle engage comme rédacteur Christoph Allenspach, chargé de présenter et de documenter une sélection d’ouvrages bâtis de valeur. À l’époque, la section fribourgeoise de la SIA est déjà partenaire du projet dont le financement est garanti par la Loterie romande. Sous le titre «Architecture contemporaine, Zeitgenössische Architektur 1940-1993», un premier rapport de synthèse est publié en 1994. 181 constructions couvrant tout le canton y sont présentées. Le recensement est complété dans les années suivantes pour les périodes 1900-1940 et les années 1990.

En 2016, le Service des biens culturels décide d’étendre ce projet de recherche sur toute la production du 20e siècle dans le canton, avec pour ambition de publier, dans une série, les réalisations majeures de cette époque, avec des analyses plus fouillées, des plans et une documentation photographique plus large. On souhaite ainsi enrichir nos connaissances sur les formes, les méthodes de construction, les matériaux et le contexte spatial de cette production. On veut d’autre part sensibiliser le public, les propriétaires et les autorités à cette nouvelle culture du bâti et à sa valeur en tant que bien culturel digne de protection.

Entretemps, plusieurs bâtiments ont déjà été sacrifiés ou altérés, les uns par des démolitions, les autres par des réaffectations ou interventions inappropriées. Le rédacteur du recensement, Christoph Allenspach, est chargé de réviser les dossiers et d’en constituer de nouveaux pour les bâtiments importants qui auraient échappé aux anciens recensements. Aloys Lauper a pour tâche d’approfondir les recherches historiques, puis d’établir la rédaction finale du texte français

Une publication: Bâtir en ville de Fribourg dans la seconde moitié du 20e siècle

Le premier volume de cette série est consacré à la culture du bâti en ville de Fribourg entre 1950 et 2000. Il présente 104 bâtiments et ensembles construits. Ce grand nombre peut surprendre, mais il est proportionnel au boom de la construction. Jamais dans son histoire, la ville n’a connu une aussi forte expansion en si peu de temps. Les nouveaux logements mis sur le marché se concentrent dans les nouveaux quartiers, au Schoenberg, à Beaumont, au Jura et dans le secteur Beauregard-Vignettaz. Il s’agit de grands lotissements projetés à une échelle beaucoup plus grande qu’auparavant, sans parler d’un nombre conséquent d’immeubles de grande hauteur et de bâtiments administratifs au centre-ville, de complexes scolaires et paroissiaux dans les quartiers périphériques. Le centre-ville historique ne représente aujourd’hui qu’une petite partie du territoire bâti. Dans la masse de bâtiments construits à la hâte, des architectes, des ingénieurs et des entrepreneurs innovants ont néanmoins conçu des bâtiments remarquables, plus nombreux qu’on ne l’imagine souvent. Le but de cette recherche et de cette présentation du bâti par des textes, des plans et des photographies est de révéler et de transmettre les valeurs et les leçons de l’architecture moderne et de ses nouvelles morphologies urbaines. À l’heure où se pose déjà la question de la fin de «l’ère du béton» au sein de la transition écologique, cet ouvrage et les volumes qui suivront ont pour ambition d’affûter notre regard et d’enrichir notre connaissance du bâti et des principes de l’architecture de la seconde moitié du 20e siècle. De cette manière, on ouvre une brèche en faveur d’une reconnaissance du passé récent dans la culture du bâti actuelle.

La plupart des immeubles publiés figurent au recensement des immeubles dignes de protection de la ville de Fribourg et sont mis sous protection par le biais de son plan d’aménagement local.

Une exposition : Vues aériennes et images en séries d’une époque dynamique

L’exposition qui accompagne l’ouvrage est destinée à un large public. Elle présente par l’image certaines des réalisations les plus significatives de cette période dynamique. La plupart des vues en très grand format ont été réalisées par Alain Kilar à l’aide d’un drone. Elles offrent un point de vue inédit et des clichés parfois déroutants, inscrivant les bâtiments et ensembles choisis dans une perspective urbaine plus large que notre regard. Des images en série défilent en outre sur des écrans montrant l’environnement passé et actuel de chaque réalisation, l’évolution des constructions, leurs élévations, jusqu’aux intérieurs de certaines maisons ou logements. L’exposition se décline en quatre thèmes:

A. Les bâtiments publics et la promotion d’une culture du bâti par le biais des concours

Les huit exemples retenus montrent trois bâtiments scolaires de divers niveaux, un bâtiment administratif et trois édifices religieux d’une qualité remarquable. La Ville, le Canton et les communautés paroissiales ont attribué leur mandat de construction par le biais de concours ouverts ou restreints qui ont notamment favorisé un changement culturel vers le modernisme d’après-guerre.

B. Jean Pythoud (1925-2020), pionnier de l’architecture moderne

Jean Pythoud est considéré comme l’architecte le plus créatif en ville dans la seconde moitié du 20e siècle. Parmi ses projets majeurs, réalisés la plupart au sein du bureau AAF, on peut mentionner les trois immeubles-tours de douze étages, dans le quartier du Jura, les logements en semi-duplex – les fameux duplex du pauvre – au Schoenberg, un bâtiment scolaire à la Vignettaz et la maison de Teddy Aeby à la Planche-Inférieure.

C. Bouleversements au centre-ville: immeubles-tours comme jalons urbains, façades préfabriquées des commerces et réaménagements successifs de l’espace public.

Depuis la fin des années 1950, le centre commercial et administratif de la ville s’est déplacé du haut de la Vieille Ville haute au voisinage de la gare. Les entreprises veulent profiter du boom économique et cherchent des espaces lumineux et fonctionnels pour leurs «cols blancs» et leur clientèle. Les immeubles-tours et les façades rideaux en verre et en aluminium portent la marque d’un bouleversement radical, urbain, économique et social. Ils suivent l’air du temps, porté par l’optimisme du renouveau.

D. Les lotissements des années de renouveau: structure ouverte et espaces verts

Les nouveaux appartements de Fribourg se concentrent dans les cités nouvelles du Schoenberg, de Beaumont et du Jura. Ils sont destinés aux couches de la population à bas ou moyen revenu: familles ouvrières quittant la Basse-Ville surpeuplée, travailleurs immigrés venus du Sud de l’Europe, employés du secteur tertiaire en plein essor ou étudiants universitaires. En termes d’urbanisme, on passe d’un modèle de développement urbain basé sur l’habitat contigu dense à un réseau ouvert de grands bâtiments solitaires implantés dans des espaces verts. 

La section Fribourg de la SIA et le Service des biens culturels remercient tout particulièrement la Loterie Romande, la Ville de Fribourg et leurs nombreux sponsors pour leur généreux soutien à la publication et à l’exposition